«Pas d’oléoduc dans ma cour!» C’est le message qu’ont lancé une quarantaine de propriétaires concernés par le projet de l’Oléoduc Énergie Est de TransCanada samedi dernier à Saint-Casimir. Ils sont rongés par l’inquiétude et se sentent impuissants à l’idée que la conduite qui traversera Portneuf parasitera leur vie.
Une quarantaine de propriétaires ont répondu à l’invitation du mouvement Stop oléoduc Portneuf – Saint-Augustin à Saint-Casimir le 19 avril. L’organisme a profité de la présentation du Bloc Petroleum lors du Festival de films de Portneuf sur l’environnement (FFPE) pour offrir de l’information aux propriétaires. Le conférencier Alexandre Desjardins, avocat au Centre québécois du droit de l’environnement, les a invités à se mobiliser sans attendre et à faire front commun pour négocier avec la compagnie.
TransCanada veut relier l’Alberta au Nouveau-Brunswick pour faire transiter chaque jour 1,1 million de barils de pétrole provenant des sables bitumineux à partir de 2018. L’oléoduc traversersa Portneuf entre Deschambault-Grondines et Saint-Augustin-de-Desmaures. Une station de pompage sera construite à Donnacona.
«Je me sens tout seul»,
«Je me sens tout seul», a déclaré Bertrand Duquette. Ce propriétaire de Donnacona ne sait pas ce qu’il pourrait bien faire pour empêcher TransCanada de faire passer son oléoduc dans le terrain de jeu de ses enfants.
Jacques Denis, propriétaire d’une érablière à Neuville, partage son inquiétude. «Au niveau légal, même si on voulait se faire un regroupement fiable, c’est difficile de faire des démarches pour que tout le monde s’en aille dans le même sens», a confié l’acériculteur.
Puisqu’il sera laborieux, voire impossible, de contrecarrer le passage de l’oléoduc, Jacques Denis envisage une bataille sur le front de la protection publique. «On devrait exiger une redevance mensuelle perçue par nos municipalités pour faire des programmes afin de nous protéger au niveau local», suggère-t-il, la catastrophe de Lac-Mégantic en tête.
L’avocat Alexandre Desjardins conseille aux propriétaires fonciers de se réunir. «Rassemblez-vous pour négocier et entourez-vous de spécialistes», a recommandé le juriste à ceux qui verront l’oléoduc s’inviter dans leur cour.
Règlement municipal
Tout n’est pas encore joué. L’Office national de l’énergie du Canada (ONÉ) doit donner son aval au projet Oléduc Énergie Est. S’il l’approuve, TransCanada pourra accéder à toutes les terres qu’elle convoite. Mais les municipalités pourraient peut-être, en adoptant un règlement, forcer la compagnie à offrir des garanties aux localités traversées par son oléoduc? Une telle disposition forcerait TransCanada à demander un permis municipal pour implanter son lien pétrolier en plus de verser aux municipalités un montant de sûreté d’au moins 10 millions $ pour la prémunir contre une catastrophe. TransCanada aurait aussi l’obligation d’élaborer un plan d’urgence adapté à chaque localité traversée par son oléoduc.
«On ne se contera pas de fleurettes, le projet est bien en marche et on a compris que la sécurité dépend de la municipalité», a commenté le maire de Cap-Santé Denis Jobin, après la conférence. Rassuré par la possibilité d’adopter le règlement chez lui, le maire suit de près l’évolution du dossier à la Fédération québécoise des municipalités, qui réclame que Québec s’en mêle.
«Coule pas chez nous»
En plus de lancer en mai une vaste campagne de mobilisation sous le thème «Coule pas chez nous», Stop-oléoduc mise sur la promotion du projet de règlement municipal pour encadrer l’implantation du pipeline.
Bertrand Duquette, de Donnacona, est inquiet malgré tout. «Je me sens comme un diable dans l’eau bénite», a-t-il commenté. Consterné, il compte tenir bon jusqu’au jour où TransCanada le forcera à lui imposer une servitude sur une partie de son terrain.