Mathieu Hardy À la Ferme Langlois, à Neuville, ça fait 350 ans que la famille s’investit de génération en génération dans la culture maraîchère et la production laitière pour poursuivre le labeur de son ancêtre, Nicolas Langlois, arrivé le 20 mars 1667. Aujourd’hui et plus que jamais, cette aventure motive grandement Médé Langlois qui se fait un devoir de perpétuer les traditions et le patrimoine agricoles de ses ancêtres. Après tout, fermier un jour, fermier toujours! Samedi matin, huit heures à peine. Médé Langlois est bien affairé au kiosque avec la famille et les employés. Tout le monde travaille avec camaraderie pour recevoir, dans la bonne humeur, plus de 1000 clients comme c’est le cas chaque fin de semaine. Médé m’aperçoit… «Donne-moi dix minutes… Je reviens!» me dit-il avec énergie malgré un début de journée assez chargé. Debout depuis 4h30, il s’était déjà occupé de la traite de ses 35 vaches et revenait tout juste de récolter une centaine de poches de maïs dans le champ. «C’est une passion! Je ne fais pas ça pour l’argent! Le salaire m’importe peu à côté de la qualité de vie», m’explique Médé en me décrivant son horaire de la journée. Sa passion pour la terre vient de loin et ne date pas d’hier. Grandement attaché à l’histoire et au patrimoine de sa famille, Médé se fait un plaisir de partager ses histoires un peu comme le ferait Fred Pellerin s’il était agriculteur. Ça lui permet de carburer… Ça le fait vibrer. C’est ce qui fait qu’il est passionné! Mais qu’en est-il de cette histoire, si intéressante soit-elle? «On est arrivés par bateau! On est arrivés en 1667 sur des terres qui ne nous appartenaient pas. On a été accueillis par les Premières Nations qui nous ont fait vivre jusqu’à aujourd’hui», raconte Médé avec exaltation. Avez-vous remarqué? Médé utilise le pronom «on» pour décrire l’arrivée de son ancêtre Nicolas Langlois sur les rives du Saint-Laurent où il a décidé de défricher une terre et de s’adonner à l’agriculture. Quand je vous disais que ça le faisait vibrer… Voyez, encore: «Trois cent cinquante ans d’histoire, le monde, ça le chatouille beaucoup! On fait une bonne culture, on est une bonne famille, parce que si ça n’avait pas été de ça, on n’aurait pas tenu 350 ans», reconnaît Médé. Chaque matin, son père Fernand, sa mère Murielle, sa soeur Nathalie, son frère Daniel et lui se lèvent avec l’ambition de partager l’histoire de l’une des plus vieilles fermes agricoles du Québec. Leur passion, ils s’efforcent de l’offrir à leurs clients en toute saison avec des légumes cueillis selon un savoir-faire et un patrimoine agricole unique. «On vient chez Médé pour venir chercher une histoire et les gens sont assurés d’avoir des produits qui ne sont pas trop matures, des petits légumes», fait valoir l’agriculteur de 43 ans. «C’est un don qu’on a eu dans notre et famille et on a comme pas le choix de continuer ça! C’est tellement beau ici», ajoute-t-il avec un sourire de satisfaction. En écoutant Médé parler, j’ai eu l’impression qu’il est né dans le champ et qu’il y a toujours vécu. Mais pas tout à fait… Dans ses souvenirs, c’est à 10 ans qu’il a commencé à s’amuser à travailler librement à la ferme. Mais c’est beaucoup plus tard dans sa vie, en 1995 pour être plus précis, qu’il prend la relève de ses parents, aidé de son frère Daniel, et ce, dans des circonstances peu enthousiasmantes. La ferme laitière venait d’être incendiée. Songeant à l’avenir du patrimoine familial, Médé s’est dit qu’il était impossible de laisser s’éteindre la passion pour la terre que cultivait Nicolas Langlois depuis 1667 et les 11 générations qui l’ont suivi. Pour lui, il était impensable de se laisser abattre quand il a songé à tous les malheurs de ses prédécesseurs. «Des embûches, oui on en a, mais elles sont différentes de celles-là qu’il y avait dans le temps de la Nouvelle-France. Ils ont passé à travers tout ça. Ils ont tout préparé et tout défriché nos terres et il ne nous reste qu’à les cultiver intelligemment», réfléchit-il, à haute voix. De cette renaissance est née une foule de projets, dont l’agrandissement du kiosque maraîcher, le développement agrotouristique et l’ouverture de l’Économusée de la conserverie, en 2013. Des initiatives comme celles-là ont permis à Médé Langlois et à sa famille de découvrir et d’apprécier l’attachement des Québécois pour l’agriculture de proximité. «Des petites fermes familiales, il y en a de moins en moins…C’est un trésor, c’est notre patrimoine, c’est notre richesse, c’est notre folklore», insiste Médé en remerciant tous ceux qui prennent le temps de le visiter et qui s’alimentent de ses cultures. Bien ancré dans le passé, Médé se fait aussi un devoir d’adapter ses pratiques pour assurer la pérennité de l’entreprise familiale. Il y parvient entre autres en engageant un groupe de quatre travailleurs guatémaltèques qui viennent l’assister dans la culture maraîchère du mois d’avril jusqu’à la fin octobre. Sans eux, il est impensable de rentabiliser les opérations et de maintenir l’efficacité de la cueillette dans les champs. Musicien à ses heures pour le groupe de punk-trad Carotté, Médé affirme que le travail de la terre est à la source de plusieurs des chansons du groupe. Son rapport à la terre l’inspire grandement, assez pour qu’il se mette à chanter en plein champ. «Ça me donne des idées pour faire des nouvelles chansons pour mon groupe Carotté. Le travail de la terre m’inspire beaucoup en musique», avoue-t-il, lui qui vient de terminer une tournée estivale qui l’a amené à se produire dans 16 festivals. Possible, alors, de sortir l’agriculteur du chanteur? Ou le chanteur de l’agriculteur? «Si je n’avais plus de musique, je ne pourrais plus faire d’agriculture», répond Médé. «C’est un mode de vie, être agriculteur, et c’est un très beau mode de vie», ajoute-t-il. Décidément, l’amalgame entre la chanson et l’agriculture permet à Médé Langlois d’accomplir un exploit: celui de cultiver du maïs, des légumes et des fruits très recherchés pour leur qualité et leur fraîcheur… mais surtout parce qu’il sème et récolte le bonheur de vivre partout où il passe.