Ce n’est plus une nouvelle mais je veux quand même laisser une trace écrite de l’événement: le printemps a fait irruption chez nous il y a dix jours ! Même si l’hiver s’accrochait encore avec le poids de bancs de neige récalcitrants, déjà quelques pousses de fleurs lui faisaient un pied de nez. Mais avec le soleil, est aussi venue l’annonce de la mort de l’épouse et muse de Félix Leclerc, Gaétane Morin. Elle le rejoignait trente ans après sa disparition. Je garde encore de ces jours d’août 1988, un souvenir ému. Après des funérailles intimes et simples dans l’église de Saint-Pierre de l’Ïle d’Orléans, d’autres, publiques, avaient réuni une foule nombreuse dans l’église Notre-Dame des Victoires et sur la Place Royale. J’étais parmi cette foule. Des Québécois de tous âges étaient venus témoigner leur attachement au géant des mots et des chansons dans un silence impressionnant. C’est dans ce silence que s’éleva une voix qui entonna les premiers mots de L’hymne au printemps, cette chanson mythique de Félix. Elle fut immédiatement suivie par des dizaines puis des centaines de voix de femmes et d’hommes qui la connaissaient par coeur. On aurait dit un hymne national. Juste à mes côtés, se tenaient deux journalistes venus de France pour couvrir l’événement. J’ai entendu le premier dire à l’autre : « Quel peuple incroyable ! » Ils faisaient écho à leur premier ministre qui avait déclaré quatre ans plus tôt : « Mais ce n’est pas un peuple, c’est une chorale ! ». C’était à bord de la goélette La Marie-Clarisse où il venait d’entendre chanter les membres du conseil des ministres du Québec. C’est un peu grâce à Félix et ses semblables que nous sommes devenus ce peuple-chorale et que nous le resterons si nous veillons à transmettre aux générations futures ce patrimoine de chansons incomparable. Alors que je préparais ce billet, Bernard Gaudreau, le maire de Neuville, m’apprit le décès subit et inattendu de Denis Jobin, son collègue de Cap-Santé. Il m’arrivait à l’occasion de m’entretenir des affaires publiques de Portneuf avec Denis. La dernière fois, il y quelque temps déjà, lors d’une conversation téléphonique, nous faisions le tour des grandes questions de l’heure jusqu’à ce qu’il me dise : « Bon, maintenant parlons sérieusement, parlons musique ! » C’est sur ce terrain universel de la musique qu’il laissera aussi sa trace. Une jeune gardienne me dit hier au moment de retourner chez elle : « Denis Jobin m’a enseigné le violon. C’était un bon professeur. Très sympathique ». J’entends les mots de Jacques Brel : « C’est dur de mourir au printemps. tu sais ! »