On apprenait récemment la mort de Richard Goodwin, un homme dont le nom ne vous dit peut-être rien. C’est normal, ce poète et écrivain américain ne faisait pas les manchettes et on parlait rarement de lui sur la place publique. Il a pourtant joué un rôle majeur dans la politique de son pays. Goodwin a rédigé des discours politiques dont certains sont historiques et ont été attribués à l’homme qui les a prononcés. De même qu’il existe des metteurs en scène au théâtre, il doit y avoir des metteurs en mots en politique. Que ce soit pour les discours de John Kennedy sur les droits civiques, ceux de son successeur Lyndon B. Johnson sur une politique sociale progressiste ou ceux de l’autre Kennedy, Robert, lorsque celui-ci a pourfendu la politique d’apartheid des racistes blancs d’Afrique du Sud avant d’être assassiné à son tour. Dans tous ces cas, le contenu des discours doit initialement correspondre aux valeurs que portent les politiciens pour lesquels le rédacteur écrit, mais le choix des mots peut faire toute la différence entre un discours banal et un discours qui inspire toute la population. Goodwin faisait partie de cette rare catégorie de rédacteurs inspirants. La tâche principale d’un politicien est d’inspirer une population. Un homme ou une femme politique n’a pas à être un administrateur hors pair. Ce n’est pas sa fonction. Il ou elle peut compter sur une armada de fonctionnaires qui ont cette compétence d’administrer. Un vrai leader politique exprime des valeurs qui donnent la direction aux politiques, il n’a pas à en connaître les menus détails. Un leader politique doit être inspirant et pour l’être, il doit être inspiré. On ne peut donner que ce que l’on possède. Pour transmettre une inspiration, il n’est pas interdit de faire appel aux personnes qui ont les mots nécessaires. Mais pour indiquer le chemin à prendre, il faut avoir du contenu à transmettre et le courage de le dire. Ce contenu s’appelle de la culture. Notre époque est, hélas ! très dépourvue de cette race de leaders. Où sont les Churchill, les De Gaulle, les Lesage, les Lévesque ? Nous entrons dans une période critique de l’histoire de l’humanité et les défis sont incommensurables. Les femmes et les hommes inspirants existent. Sauront-ils se manifester ? Saurons-nous les écouter ? Mais surtout aurons-nous le courage de nous engager dans les voies difficiles qu’ils ou elles auront le devoir de nous indiquer. Car les voies faciles sont désormais sans issues.