Cette entrevue avec le Dr François Desbiens, directeur de la santé publique du CIUSSS de la Capitale-Nationale, a été réalisée le 4 juin. Le bilan a changé depuis, mais, pour l’essentiel, la situation est la même. Le Dr Desbiens quittera son poste lundi pour devenir vice-président des affaires scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Q. Comment est la situation dans Portneuf ?
R. A l’heure actuelle, ce sont tous des cas isolés, la COVID-19 n’a pas donné lieu à d’éclosions ou à de regroupements de cas.
Q. Pourquoi ne pas indiquer où sont les cas ?
R. Pour les cas isolés, on ne nomme pas les lieux, on les nomme seulement quand il y a une éclosion, c’est un peu la consigne ministérielle. Il n’y aurait pas eu d’utilité et il y aurait pu avoir des formes de stigmatisation de ces lieux-là, donc on ne les nomme pas. La consigne, [c’est de nommer] les éclosions dans les milieux d’hébergement de personnes aînées lorsqu’on a plus d’un cas. À ce moment-là, cela veut dire qu’il y a une transmission locale.
Q. Comment cela se passe-t-il lorsqu’il y a un cas ?
R. On reçoit la déclaration positive du laboratoire du CHUL. On contacte directement la personne et on fait un grand questionnaire pour bien comprendre à partir de quel moment elle a eu des symptômes pour déterminer la période où elle aurait pu être contagieuse, identifier ses allées et venues pour identifier les personnes qu’elle a rencontrées, si ce sont des personnes à plus de 2 m, à moins de 2 m, la durée, soit une minute ou de 10 à 15 minutes. Il faut avoir un contact prolongé et cumulatif de 15 minutes et plus pour que ça donne un contact étroit à risque élevé.
Les personnes contacts sont elles aussi contactées par téléphone pour leur poser les mêmes questions. Si elles ont des symptômes, on fait les prélèvements immédiatement. Si elles sont asymptomatiques, selon le milieu de travail, le milieu familial, des maladies et autres contacts, on peut même les prélever ou on les met en isolement quand c’est un contact à risque élevé et on les appelle régulièrement. C’est toute une enquête que l’on fait pour limiter la transmission.
Q. Est-ce que ce processus qui a empêché la transmission communautaire dans la région ?
R. C’est un peu la même situation à l’extérieur du Montréal métropolitain. Selon la quantité d’ensemencements, de venues de virus et de la discipline que les gens ont eu dans le maintien du 2 m, le lavage de mains et le port du masque, cela se contrôle ou se transmet plus facilement. En plus, on a eu une aide du hasard qui a fait en sorte qu’il y a peut-être eu des ensemencements dans des familles avec moins de transmission secondaire. Probablement que c’est un cumul de tout ça qui fait en sorte que la transmission communautaire est plutôt basse.
Q. Quel a été l’impact de l’ouverture des écoles ?
R. On n’a pas beaucoup de cas qui nous ont été signalés. Depuis l’ouverture des écoles primaires [NDLR le 11 mai], ce sont tous des cas isolés, des gens qui l’ont attrapé en dehors du milieu scolaire. Ils ont été retirés du milieu et il n’y a eu aucune transmission jusqu’à maintenant. Même chose du côté des CPE. On a aussi des cas isolés dans le Québec métro qui surviennent dans des différents types d’entreprises, mais pas beaucoup.
Q. Est-ce que la situation s’améliore vraiment ?
R.: Un peu partout, ça suit la courbe descendante sur le nombre de cas, de cas hospitalisés, de personnes aux soins intensifs, de décès quotidiens. Ça s’améliore de jour en jour, mais on est toujours dans un même ratio : 60% des milieux qui sont en éclosion et le reste dans les communautés.
Q. M. Legault a invité les gens qui ont un petit doute à aller se faire tester ?
R. Il faudrait que le petit doute soit en lien avec des symptômes. Avant on disait toux, fièvre, difficulté respiratoire et perte du sens de l’odorat. Mais il y avait aussi des symptômes moins fréquents qui sont ceux associés à la grippe, au rhume ou à la gastro. Maintenant, on dit vous avez ces symptômes, venez vous faire tester. On ne veut pas que les 53 000 Portneuvois aillent se faire dépister demain matin, ce ne serait pas utile étant donné que la transmission communautaire est faible. Mais ceux qui ont des symptômes, ils téléphonent et on va les prélever.
Q. Est-ce qu’on fait toujours attention ?
R. Il ne faut pas cesser de faire attention parce que le virus est présent et il attend que l’on baisse la garde pour se transmettre plus facilement.
Et on est certain qu’il est encore là parce que dans l’Hémispère Sud le virus circule facilement en même temps que la grippe et les rhumes et d’autres maladies respiratoires hivernales. Donc, on est à peu près certain qu’il va revenir cet automne.
On maintient notre discipline de garder notre 2 m, de se laver les mains souvent, de tousser dans son coude et de porter un couvre-visage lorsqu’on est à moins de deux mètres. Il faut le répéter pour que lorsqu’on va arriver avec des recrudescences de transmission, le couvre-visage va bloquer la transmission. Et quand le vaccin va arriver, il y aura beaucoup de monde qui n’aura pas eu la COVID-19 qui profitera du vaccin.