Je suis née à Cap-Santé en 1964 dans une maison portant le numéro 64, et à 56 ans, j’ai emménagé à côté, au numéro 56 : ça ne s’invente pas.
Entre les deux? J’étais ailleurs. Partie étudier, voyager, travailler, j’ai fait les trois à profusion, et partout, à la question « d’où viens-tu? », je répondais « Cap-Santé ». Je sais qu’il faut un village pour élever, et je m’estimais bénie d’avoir grandi ici.
Entre les deux, j’étais donc ailleurs : locataire, étudiante, diplômée en droit, correctrice, organisatrice, journaliste puis partie de nouveau – nomade. J’ai collectionné les dictionnaires et les langues étrangères (ma préférée est l’italien). J’ai séjourné dans des pays qui, comme moi, ont changé de nom depuis (à chacun ses raisons). Et j’ai toujours tenté, malgré le temps qui presse, de connaître l’autre, ses rêves, son continent. « Je n’aurai pas le temps de lire tous les poèmes du monde », chantait Julos Beaucarne – mais c’est permis d’essayer.
Entre les deux, j’ai cheminé – auprès de galants cultivés et de leurs enfants, de partenaires d’affaires ou de tango, de collègues et d’amis, et toutes ces personnes, je vous le garantis, savent parfaitement aujourd’hui où sont notre MRC et son chef-lieu, jusqu’à pouvoir les raconter d’aval en amont en passant par son fort Jacques-Cartier, dernier bastion contre les Anglais en 1759 : je n’y étais pas, mais je me souviens, et toutes ces personnes aussi désormais.
Entre les deux, vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que je n’ai jamais cessé de lire le Courrier de Portneuf. Dans les années 80, mon père me le postait à Ottawa (je me suis même fait une amie grâce à lui pendant un cours de russe, une Guilbault de Grondines aussi ravie qu’étonnée de tomber ainsi sur des nouvelles du comté!). Je l’ai ensuite feuilleté en visite chez mes parents. Puis Internet m’a facilité la vie.
Chaque parution du Courrier me fascine… Tant d’hebdos ont rendu l’âme! Devenu coop avant les autres, il a survécu aux guerres commerciales, aux crises économiques et à l’avènement du numérique sans perdre ni son latin ni son papier. Chaque semaine, le revoilà dans nos mains, imprimé, en français… Dernier bastion, nous disions? Un miracle, je vous dis.
Je connais ma chance d’être née ici, et celle aujourd’hui qu’on m’offre d’écrire dans ce Courrier de mon cœur : je ne vais pas la gaspiller. Les journaux servent à informer mais aussi à échanger, à fabriquer du beau et de l’avenir. Par cette chronique, j’essaierai de renouer avec les perdus de vue de l’entre-deux, et tenterai malgré le temps qui presse de connaître les autres arrivés depuis, leurs poèmes et leurs rêves. Ça donne 56 000 histoires à raconter : c’est faisable si vous m’aidez.
Je vous reviens dans un mois. Écrivez-moi d’ici là. Je n’aurai pas le temps de lire les courriels de tout le monde – mais c’est permis d’essayer.
Écrivez-moi à courrierdemoncoeur@gmail.com