J’ai connu Wendey Mesley alors qu’elle était correspondante à Québec pour CBC, la radio et télévision de langue anglaise. Une journaliste intelligente et sérieuse qui parle très bien le français. J’ai fait sa connaissance alors que j’étais attaché politique ministériel et j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de la rencontrer. La dernière fois, c’était au moment des funérailles de René Lévesque. J’étais à ses côtés et, au moment de la sortie du cortège funèbre de la cathédrale de Québec, je l’ai vue verser quelques larmes. Elle avait pris la mesure de ce grand chef d’État.
J’évoque ces faits à la suite de la lecture de l’éditorial du Devoir du 3 juillet dans lequel Marie-Andrée Chouinard rappelle le congédiement de Wendy Mesley, alors que celle-ci était cheffe d’antenne de la CBC, à Toronto. Son crime? Avoir prononcé le titre du livre de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, un livre important dans l’histoire du Québec. Mme Chouinard revient sur ces faits pour inciter Radio-Canada à ne pas se plier à la demande du CRTC de présenter des excuses parce que le titre maudit avait encore, oh horreur, été prononcé sur les ondes.
Le CRTC a émis un jugement, blâmant la société d’État d’avoir laissé Annie Desrochers, l’animatrice de l’émission Le 15-18, évoquer le livre de Vallières par son titre qui contient, comme les Anglo-Saxons nous ont appris à le dire pudiquement, le mot en « n ». La condamnation (non unanime) par cette police des médias fait suite à une plainte d’un homme qui s’est dit offensé d’entendre le mot qu’on n’aurait pas, selon lui, le droit d’entendre. Alors, selon l’évangile du CRTC, il suffit qu’une personne se dise offensée pour que la liberté d’expression soit mise au rancart.
Tout écrit, toute affirmation, toute prise de position est susceptible d’offenser la personne qui n’est pas d’accord avec l’utilisation de tel mot ou l’expression de telle idée. C’est presque gênant d’avoir à écrire ce que je viens d’écrire tellement la chose relève du gros bon sens. Ainsi, par exemple, quand une personne commence une phrase en disant « si Dieu le veut, j’irai en voyage cet été… », cela heurte ma raison et je me sens offensé dans ma qualité d’être humain capable de penser en dehors de la soi-disant volonté divine. Mais je défendrai toujours le droit de cette personne de m’offenser, car il s’agit de son droit d’exprimer sa croyance qui est aussi le droit d’offenser.