Les encombrants

par Robert Jasmin
Les encombrants

Tôt ou tard, toutes les religions passent devant le tribunal de l’histoire. Parce que toutes les religions se rendent coupables d’excès. Il ne peut en être autrement, car elles veulent toutes la perfection, toutes sont en quête d’un absolu. Or, rien n’est parfait et il n’y a pas d’absolu parce que tout est soumis au temps vécu par des êtres humains mortels et imparfaits. À vouloir imposer la perfection comme règle de vie, les religions se déshumanisent et perdent le sens relatif des cultures qui sont situées dans le temps.
La religion woke sera, elle aussi, sévèrement jugée par l’histoire. Sa recherche obsessionnelle de la vertu croule sous l’absurdité, sinon sous le ridicule. Malheureusement, les institutions, surtout culturelles, écopent et nous aussi, conséquemment. Les exemples nous sont présentées presque quotidiennement. Le navrant retrait récent d’un épisode des Filles de Caleb par Netflix en est un : on ne voulait pas que nos yeux voient Ovila Pronovost (Roy Dupuis) se déguiser en roi mage pour Noël en prenant la couleur du légendaire Balthazar, qui avait la peau noire. Rappelons que l’histoire se passe au début des années 1900.
Mais le plus dangereux pour nous demeure l’assaut woke sur la langue. Un chroniqueur universitaire parlait récemment d’un « péril mortel pour la langue française », reprenant les mots des linguistes et de l’Académie française. Il donnait l’exemple de l’expression « il fait beau » : le « il » qui horripile les adeptes de la secte woke, n’a rien à voir avec une quelconque domination masculine, car ce « il » est un neutre même s’il prend la forme masculine. L’imposition d’une écriture dite « inclusive » en semant, entres autres, des « iel » partout, ne tient pas compte de notre capacité de faire la part des choses et de reconnaître l’inclusion au-delà des apparences.
La langue française est belle et riche. Elle peut très bien ajouter des nouveaux mots pour exprimer une réalité qui n’existait pas avant : « courriel » par exemple. Mais ces ajouts ne viennent pas détruire ce qui a mis des siècles à se construire. Sur le chemin de l’inclusion, on ne va pas exclure le mot « jouissance » de notre vocabulaire sous prétexte qu’étant féminin, il en exclut les hommes ! Soyons sérieux ! Et ne compliquons pas la vie de nos enfants et des nouveaux arrivants à qui nous voulons laisser cet langue belle : n’ajoutons pas à leur apprentissage des encombrants linguistiques qui leur enlèveront tout plaisir dans leur lecture d’autrices « traditionnelles » comme Marie-Claire Blais, une grande féministe.

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