J’avais vingt ans et je faisais mes premiers pas sur le terrain politique et social. Je n’aurais jamais pensé prendre la parole publiquement. J’avais peur de l’opinion des gens. Peur d’être contredit, peur du ridicule, si je me trompais. Je commençais à avoir des idées, à être capable de choisir mes influences et à m’en inspirer. Mais je n’osais pas les défendre sur la place publique. Puis, vint un homme qui allait tout changer chez moi : Pierre Bourgault. Disparu il y a vingt ans, il demeure une inspiration sans égal à plusieurs égards.
J’ai vu et entendu Pierre Bourgault la première fois dans la salle de cinéma de mon quartier. J’en suis sorti transformé intellectuellement et psychologiquement. J’ai compris que la défense d’une idée juste doit primer sur notre petite personne avec ses petites peurs et ses petits malaises. Quarante ans plus tard, je me souviens d’avoir eu une pensée pour lui lorsque je montai sur une tribune, invité par la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec. L’auditoire de 800 personnes voulait m’entendre sur les méfaits du néolibéralisme. Je n’éprouvais ni trac, ni gêne, ni peur : le contenu de mon intervention valait plus que ma personne.
J’ai suivi les discours de Bourgault quand il était à la tête du Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN). Si ma mémoire est bonne, ma carte de membre portait le numéro 202 (je n’ai pas vérifié en consultant les archives de la GRC, qui avait volé les listes de membres de cette époque). À chacune de ses interventions on assistait au même phénomène : devant une salle pleine de curieux plutôt apathiques, il réussissait en une heure à peine à soulever l’auditoire par la seule force de ses paroles et de son ton. Jamais le Québec n’a eu depuis, un tel tribun.
Mais ce serait le trahir si on ne s’arrêtait qu’à sa performance. Ce qui dominait en effet chez lui, c’était la droiture, une conviction sans compromis et une absence totale d’intérêt personnel dans son implication. Voila un exemple à montrer aux jeunes d’aujourd’hui. Pour leur dire que la fierté d’être Québécois s’exprime dans les paroles et dans les gestes tout au long de la vie. Leur dire aussi que le Québec n’a pas à demander sa liberté mais à la prendre. Ce que je nous souhaite pour la Fête nationale de l’an 2023.