Barres obliques pour un peuple

par Robert Jasmin
Barres obliques pour un peuple

Nous sommes faits de ce qu’ils sont et ils sont faits de ce que nous sommes et, ensemble, nous formons le peuple :  ce plâtrier qui se hâte de finir sans retard un dernier mur d’une chambre pour une maison attendue / cette ambulancière qui, dans son module de soins, tient la main d’un jeune accidenté en recueillant son dernier sourire / cet étudiant qui ferme la caisse d’un supermarché un vendredi soir, heureux et impatient d’aller retrouver ses amis /

cette coiffeuse ajoutant, par son art, sa part de beauté à celle d’une adolescente en vue de son bal de finissantes / ce médecin qui retarde l’annonce qui fera le malheur de toute une famille, permettant à celle-ci un répit de quelques heures de bonheur /  cette enseignante qui, le dernier jour de classe, retient ses larmes en laissant aller ses 26 enfants vers demain, inquiète pour deux d’entre eux /  cette jeune fille cherchant l’accord qui lui donnerait la mélodie recherchée sur sa guitare /

cet artiste-peintre qui, devant sa toile terminée, se dit qu’il aurait pu faire mieux / ce vieil homme, accomplissant son devoir de mémoire, couche sur papier, ses souvenirs pour la suite du monde / cette téléphoniste qui, pour faire vivre ses trois enfants, débite les mêmes paroles auxquelles elle ne croit pas à des inconnus au profit d’un charlatan d’un «cabinet» de voyance / cette agente de bord qui souhaite un bon séjour à des vacanciers sur une île du sud sans même pouvoir se tremper les pieds dans l’eau /

ce cultivateur qui, d’un sillon à l’autre de son labour, exerce le métier de philosophe en plaçant la vie avant l’esprit / cet immigrant, heureux et fier, qui rentre à la maison en brandissant son certificat de francisation, ce passeport qui lui permet d’entrer dans ce grand nous collectif / cet enfant qui, par mimétisme, apprend de ses parents, qu’on peut tromper son ennui en courbant la tête des heures durant sur ce petit objet de culte qu’on persiste à appeler un téléphone /  ce lecteur qui m’invective de sa prose de façon chronique et à qui j’offre généreusement ce billet afin que sa colère intérieure puisse s’extirper de son âme malheureuse /  cette lectrice qui trouve bien curieuse cette façon d’écrire un texte sans majuscules avec des phrases qui font du slalom entre des barres obliques / à tous ceux-là et à vous qui méritez de vous laisser parler d’amour, je souhaite une bonne et belle fête nationale du Québec, point d’exclamation !

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