« Le Québec est un pays d’eau. Ici elle est tellement accessible qu’on a oublié à quel point dans de nombreux pays, la quête de l’eau gruge la vie de tous les jours ». Des paroles qui portent à réflexion sur notre monde.
Cette phrase ouvre le magnifique film documentaire de Pascal Gélinas Le porteur d’eau, à propos d’un homme exceptionnel qui a travaillé à amener l’eau dans quelque 70 villages d’Indonésie. Ce natif de Donnacona en 1951 s’appelle Gilles Raymond. La triste nouvelle de son décès a été connue à la mi-juin.
Président fondateur du mouvement pan-canadien Dignité rurale, il est devenu coopérant en 1998. C’est en 2000 qu’il débarque en Indonésie, dans un pays qui venait de sortir de 32 années de la dictature du président Suharto.
Il constate qu’une bonne partie des sommes versées par l’aide internationale est détournée par les ONG locales.
Sous-développement
Le régime Suharto a laissé le pays dans un état de sous-développement évident.
Il a déresponsabilisé la population de cette île de deux millions d’habitants où catholiques et musulmans se côtoient.
Dans le plus grand pays musulman du monde, l’île de Florès fait exception avec 85 % de population catholique.
La corvée d’eau est lourde pendant la saison sèche, et exige quatre heures d’efforts chaque jour pour l’amener du pied de la montagne jusqu’aux maisons.
Avec sa petite famille indonésienne. Photo : Offerte pas Pascal Gélinas
Amener l’eau
Pour remédier à cette situation, Gilles Raymond met sur pied le programme Otonomi, qui se base sur la solidarité des gens. Cette démocratie directe qui dépend de l’action responsable de la collectivité aura permis dans une première phase d’amener l’eau dans 36 villages.
Dans les villages au climat plus aride, ils ont installé de gros réservoirs afin de recueillir l’eau de pluie et ainsi arroser les potagers pendant la saison sèche.
En travaillant ensemble, les populations catholique et musulmane ont pu se défricher un avenir meilleur.
Quand on porte le nom d’homme, ça ne fait aucune différence, dit l’un des intervenants indonésiens du film. On a tous besoin d’eau. Catholiques et Musulmans peuvent travailler ensemble avec un même objectif.
Auteur de 7 ouvrages
Avant son départ pour l’Indonésie, le militantisme était déjà bien incrusté dans l’âme de Gilles Raymond. Après des études en philosophie, il a publié sept ouvrages dont trois romans.
Parmi ces ouvrages, on trouve le livre Gandhi et Camus, pour la suite du monde, publié aux Éditions Beaudelaire. Leur fidélité aux plus humbles et à leurs besoins immédiats est ce qui le touche chez ces deux grands personnages de l’Histoire.
Ses actes sont conséquents. Résident d’Esprit-Saint près de Rimouski, via le mouvement Opération Dignité il se joint entre autres au combat contre la fermeture des villages en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent.
Décès
Le 12 juin dernier alors qu’il venait d’avoir 73 ans, il nageait en apnée pour amasser des déchets plastiques dans la mer. Soudain, un baigneur a découvert son corps inanimé sur la plage. Son cœur avait lâché. Deux jours plus tard, enfants et amis l’ont enseveli près de son village de Wolokoro.
Il était le père de Laurence, sa fille québécoise, et de Véronika et Roméo, 20 et 17 ans, ses enfants indonésiens. Leur mère Ati est décédée il y a trois ans.
Près d’une plantation. Photo : Offerte par Pascal Gélinas
Commémoration
La mémoire de Gilles Raymond sera dignement célébrée en Gaspésie, à Montréal et dans son Donnacona natal. Une commémoration est prévue le 25 août à 14 h à la salle Donnallie.
Le film de Pascal Gélinas, Le porteur d’eau (2006, 52 minutes) a été primé au Québec, aux États-Unis, en France, en Tunisie et en Australie.