Tout accomplissement valable et important est le fruit d’une bataille : bataille contre la peur, bataille contre l’inertie et surtout bataille contre l’indifférence. C’est ce que nous raconte et apprend le film documentaire de Félix Rose, La bataille de Saint-Léonard, que j’ai vu en salle ces jours derniers et auquel assistait un grand nombre d’étudiants peut-être encouragés par des professeurs lucides et conscients de l’importance de ce film dans la connaissance de notre histoire.
Il s’agit d’un documentaire d’une qualité exceptionnelle dans sa fidélité aux faits et dans le respect des opinions des deux groupes antagonistes : d’un côté, des immigrants italiens qui ont développé un nouveau quartier résidentiel à Saint-Léonard dans l’est de Montréal et qui revendiquent la liberté d’avoir des écoles anglophones et de l’autre, un homme, Raymond Lemieux, dont la détermination donnera naissance à une puissante mobilisation pour faire du Québec un territoire normal au même titre que tous les pays du monde.
Cela se passe en 1968 et 1969. Le portrait que Rose dépeint du Montréal de l’époque est d’une grande véracité sociologique. Je peux en témoigner, j’y étais étudiant et c’est là que j’avais grandi. Presque tous les immigrants d’alors envoyaient leurs enfants à l’école anglaise alors que les anglophones ne constituaient qu’à peine 10% de la population québécoise. Les immigrants arrivaient ici en se disant que la majorité en Amérique du Nord parlait anglais, que c’était normal d’éduquer leurs enfants dans cette langue et que le gouvernement du Québec les laissait libres de le faire.
Raymond Lemieux fut rejoint par des syndicalistes, des étudiants et des personnalités comme Pierre Bourgault, Michel Chartrand et René Lévesque ainsi que par le Parti québécois alors naissant. Du côté des Italiens, on retrouve Pierre Elliot Trudeau et un gouvernement québécois faiblard. L’affrontement fut dur et les interventions musclées de la police en témoignent. Le travail de conscientisation a porté fruit : de plus en plus de citoyens ont compris qu’avec nos taxes nous financions notre assimilation par le nombre d’immigrants qui passaient à l’anglais. Huit ans après la bataille de Saint-Léonard, la détermination farouche et courageuse du docteur Camille Laurin amènera le gouvernement Lévesque à passer la loi 101. la loi qui a sauvé le Québec.