On sait depuis longtemps que le français n’a pas la cote dans l’administration fédérale. On sait aussi qu’il est naïf de croire que la loi des langues officielles crée une égalité entre les langues des deux peuples fondateurs du Canada. On sait, pour l’avoir lu et entendu régulièrement dans les médias anglophones, que toute tentative de renforcer le français chez-nous, au Québec, ne nous attire que du mépris et des accusations de racisme. Toute cette démonstration d’arrogance et cet étalage d’un complexe de supériorité sont le propre d’une attitude qu’on retrouve dans toute situation coloniale.
S’il y a une situation coloniale, il y a forcément des colonisateurs. Des gens qui savent masquer les apparences et qui prennent tous les moyens pour nous faire oublier que des colonisateurs sont à l’oeuvre. Donc, pour nous leurrer, ceux-ci passeront des lois qui clament l’égalité des langues. Et, pour subjuguer les gens de l’extérieur, on laissera courir l’idée que le Canada est un pays bilingue, alors que la réalité est celle d’un pays anglophone avec une partie très précise de son territoire où la vaste majorité des habitants parlent français. Mais revenons à notre point de départ, l’administration fédérale supposément bilingue, là où les colonisateurs font régner la loi du plus fort.
S’il fallait encore une preuve de cette main mise, elle nous a été servie cette semaine dans le cadre de la commission d’enquête sur le convoi des défonceurs de la liberté à Ottawa : devant un commissaire francophone, trois hauts fonctionnaires francophones sont venus témoigner… en anglais. Dieu que leur maître a dû apprécier ! Des colonisés qui ont réussi à faire en public ce qu’ils font tous les jours dans leur bureau! À moins que ce ne soit exactement le contraire et que leurs supérieurs soient furieux de voir ces colonisés venir étaler la réalité et dévoiler la supercherie des langues dites officielles.
Le propre du colonisé est d’intérioriser et de faire sienne la mentalité du colonisateur. Entre autres choses, ne jamais démontrer une quelconque estime de soi. Un colonisé qui ferait preuve de fierté nierait de la sorte sa nature de colonisé et donc celle du colonisateur, ce qui serait impardonnable. Il n’y a qu’à voir les réactions au Canada lorsque le Québec relève la tête, même un tantinet : des pluies d’insultes et de condamnation s’abattent sur nous provocant, chez certains, une saine indignation et sur d’autres, une vague indifférence. Ces derniers nous confirment qu’il existe encore, parmi nous, des colonisés.
Les colonisés
par Rbert Jasmin