C’est dans les p’tits détails comme ça…

par Robert Jasmin
C’est dans les p’tits détails  comme ça…

Si on fait une incursion archéologique dans le langage sportif, on y découvre des perles qui ne sont pas toujours réjouissantes. Ainsi, dans le hockey par exemple : si les partisans du Canadien connaissaient le sens des paroles lorsqu’ils s’époumonent en criant Go Habs Go ! il n’est pas certain qu’ils y mettraient autant d’âme. C’est en 1924 qu’un dirigeant des Rangers traita les joueurs québécois de Habs. Hab comme dans habitant ! Et que dit le dictionnaire au mot habitant ? Habitant au Québec est un mot péjoratif qui désigne une personne fruste, grossière ou ignorante. Go Habs Go !

Incidemment, les Anglos savent-ils que le mot hockey est d’origine française? Ça vient de hoquet qui lui-même vient de hôk, un mot qui remonte au temps de Charlemagne, le roi des Francs, et qui signifie un bâton recourbé. Plusieurs sports ont été inventés par des anglophones, mais des générations de nos commentateurs célèbres ont lutté pour populariser un vocabulaire issu de notre langue. On doit beaucoup à tous ces René Lecavalier de notre histoire. Je ne sais pas si les partisans actuels sont dignes de ces maîtres.

Arrêtons-nous au basket, très populaire dans les écoles, notamment chez nous au Québec. Le nom du sport est anglais, c’est normal, ce sport a été inventé par un anglophone. Ce qui est moins normal, c’est l’utilisation par les joueurs et les partisans québécois de mots français prononcés à l’anglaise. Tendez l’oreille lorsque les filles ou les gars sont menacés par une avancée de l’équipe adverse. Joueurs et partisans scandent : Di-fenss, Di-fenss ! Je tente de l’écrire comme on l’entend. Quel est ce mot ? C’est défense ! Et en anglais ? defense! Le même mot ! Mais, chez nous, on est gênés de le dire dans notre langue, avec son accent aigu.

Quand des parents crient dans les gradins : Let’s go les girls ! On peut se consoler en se disant qu’au moins l’article les de cette phrase est en français ! Et si vous me dites que ça se dit mieux que Allez les filles !
je vous rétorque que votre cas est désespéré. Quand la gêne d’être soi est plus grande que la fierté d’être soi c’est qu’on est envahi par la honte de notre identité. Et après, on voudrait être respectés par les autres ! Le respect, ça se mérite ! Ce ne sont que des petits détails me direz-vous. Je réponds que c’est dans les p’tits détails comme ça qu’une langue vit ou meurt.

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