Mon placard et moi

par Nicolas Gaudreault
Mon placard et moi

Retour en arrière. Il est 19 h, soirée plutôt fraîche des années 2000. J’enrichis fièrement mon addiction au home staging en regardant religieusement la populaire émission qu’est Décore ta vie. ‘’Vivement le câble », soupirais-je. Même si je n’ai jamais mis le talon d’Achille dans un Ikea ou un tout autre magasin de déco intérieure, je crois tout bonnement que l’animatrice Saskia Thuot a un certain titre de noblesse au Québec. J’ose même l’appeler ‘’maman » en pleine dissociation.

La pause publicitaire de Sketchers s’entame et je reprends tranquillement mes esprits. Après quelques secondes de réflexion, je conclus que j’aimerais bien être comme l’animatrice. Je ne parle pas pas d’avoir une volumineuse mise en plis blonde, mais vraiment de pouvoir décorer une maison complète de A à Z sans trop de pépins. Du moins, c’est impossible pour moi. Non pas car je n’ai que 10 ans et que je ne connais absolument rien à la déco, mais bien puisque je suis prisonnier d’un placard que m’impose la société. Personne ne m’oblige nécessairement à y rester, mais n’ayant connu que cet espace restreint, j’ai peur d’en sortir, j’ai peur de l’inconnu.

Maintes personnes voient les placards comme étant sinistres : ils forment le parfait scénario de film d’horreur. Pensez-y! La jeune dame blanche dans la vingtaine, complètement sans défense et désemparée, qui s’avance vers le placard de sa chambre à coucher après avoir entendu un violent  » BEDING, BEDANG!  » et qui, par la suite, beugle : ‘’Jerry, dis-moi que c’est toi là-dedans, sale connard!‘’, dans un doublage peu crédible… Mais, on connait tous la suite sanglante, du moins. Alors, pourquoi m’avoir fait vivre dans cet endroit si effrayant? Je ne suis pas un monstre, moi! Je ne suis que différent.

Revenons à nos brebis. Cette addiction au beau et au renouveau m’aura amené à vouloir décorer et sortir de ce garde-robe (selon la visite de l’autre bord de la porte, ça serait un garde-robe de cèdre en plus, impressionnant!) dont je suis malheureusement détenu. C’est très sombre ici, alors j’ai envie de commencer cette nouvelle tendance déco où on arrache nos portes afin d’en faire des aires ouvertes. Que tous ceux qui se sentent différents adhèrent à la nouvelle mode! J’ai envie que tout le monde puisse nous voir sous notre vrai jour, et que nous puissions enfin voir cedit jour, nous aussi. Au détriment de me faire pointer du doigt par tous les fashionistas du gypse, je souhaite être vu, non pas seulement regardé. J’en ai marre d’être regardé comme un vulgaire cintre, alors que j’ai tout ce poids à retenir sur mes épaules. Je souhaite être libéré et exprimer fièrement mes couleurs sur tous les murs de ma demeure afin d’y peindre une réplique de l’arc-en-ciel qui rayonne autour de mon cœur.

Bref, si quelqu’un à le numéro de téléphone de Saskia, écrivez-moi tout de suite, j’ai tout plein de projets de rénovation en tête!

PS : ce texte ne parle absolument pas de décoration intérieure ni de rénovation de placards. Joyeux mois de la fierté à tous! Brillez en ce mois coloré!

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