L’univers de l’école est, comme l’univers de la famille ou de tout autre lieu où des êtres humains sont appelés à vivre ensemble, un lieu de fragilité. Pourquoi ? Parce que les êtres humains sont fragiles. Comme vous. Comme moi. Fragiles et à la merci des crises, comme des mineurs au fond de leur mine qui redoutent les coups de grisou. J’emprunte au poète Christian Vézina sa métaphore sur la mine et sur le cri du canari qui nous permet de nous mettre à l’abri pour éviter le pire quand une crise s’annonce ou survient.
Toute crise est à la fois un moment difficile à passer et une occasion de se ressaisir, d’apprendre, de changer ou de faire autrement. Une crise apparaît comme le fait une maladie, à travers des symptômes. Ceux-ci servent d’avertisseurs, de voyants lumineux pour nous dire que les choses tournent mal. C’est le canari. On ne tire pas sur le canari pour le faire taire. On l’écoute et on s’organise pour éviter le pire et ensuite faire mieux pour l’avenir.
L’incident malheureux de Sainte-Marthe-sur-le-Lac est le symptôme révélant que la société est en crise. Que certains enfants ont besoin de spécialistes pour les aider à vivre leur enfance. Que les enseignantes sont là pour enseigner à nos enfants et qu’elles ne peuvent être à la fois enseignantes et travailleuses sociales et psychologues et médecins. Qu’elles ne peuvent, non plus, être les parents de nos enfants. Si les enseignantes doivent instruire nos enfants, nous, parents, avons à les éduquer. La crise nous apprend que, comme vous, comme moi, les enseignantes sont des êtres fragiles et qu’au delà d’un certain poids à porter, elles croulent sous lui.
La crise est l’occasion de revoir nos valeurs, dans une société qui prône l’individualisme, le chacun pour soi et le toujours plus. Nous devons retrouver l’art de la coopération et de la valorisation du bien commun. Nous devons refuser la fuite dans le divertissement perpétuel et retrouver le sens des vraies priorités. Et, s’il y a dérapage chez certains, prévoir et appliquer des sanctions ou organiser de l’aide plutôt que d’improviser un tribunal populaire.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille, mais le fleuve est beau et mérite d’être navigué toutes voiles levées.
