Le prix du blé a baissé et celui du pain a monté. Cherchez l’erreur. Ce paradoxe est soulevé par un producteur de Saint-Basile, Donaldo Leclerc, qui ne comprend pas que le consommateur paie plus cher pour son pain.
La réponse est venue du président de l’UPA dans Portneuf, Christian Hébert. « Premièrement, pour faire du pain, explique-t-il, tu as les producteurs agricoles, les transformateurs et la chaîne de distribution. »
Christian Hébert donne l’exemple d’un pain POM, assez commun à l’épicerie. Un pain de 600 grammes se détaille 4,19 $. Or, la part du producteur de blé ne représente qu’entre 15 et 20 sous.
« L’intrant de blé lui-même qui va dans la fabrication de la miche de pain est la plus petite part. »
Selon M. Hébert, c’est vraiment la branche transformation qui elle, en prend beaucoup. Mais, rajoute Christian Hébert, tandis qu’avant les transformateurs avaient des marges généreuses, ils sont aujourd’hui rattrapés, un peu comme les producteurs agricoles, par les taux d’intérêt et la pénurie de main-d’oeuvre.
Le maillon faible
« Où on a un maillon faible, qui est peu encadré, annonce Christian Hébert, c’est dans la chaîne de distribution. Ce sont les grandes bannières qui ont le gros bout du bâton. Qu’on parle de Metro, Sobey’s, Wallmart, ce sont eux qui ont la part du lion dans le prix du pain. C’est le minimum qui va au producteur. »
Pour un producteur de blé comme on en trouve dans Portneuf, produire une tonne de blé lui coûte environ 425 $ la tonne, en temps normal. L’année en cours est exceptionnelle. En raison de la pluie tombée cet été, ce montant a explosé, soutient M. Hébert. Or, présentement le marché se situe à 370 $ la tonne. Les agriculteurs produisent donc à perte.
Explosion des coûts
« Les taux d’intérêt, l’inflation, le prix des carburants en plus des fortes précipitations qu’on a eues causent une explosion des coûts. D’un autre côté, les folies du gouvernement russe, qui retient les bateaux, qui joue avec la plus grosse production de blé mondiale qui vient des pays de l’Est, c’est ce qui amène une dégringolade des prix sur le marché présentement. Le producteur produit à perte et le consommateur n’a jamais payé aussi cher pour son produit », renchérit M. Hébert.
Donaldo Leclerc constate également que la qualité du foin est moindre cette année. « La qualité du blé a baissé elle-aussi », précise l’agriculteur de la route de la Station. « Dans plusieurs champs, le blé est tombé au sol en raison du vent. Par contre, le soja est très beau, de même que le maïs ».
Programmes désuets
Les différents programmes d’assurance sont désuets, affirme-t-il, et avec les fortes précipitations, les programmes ne fonctionnent pas, n’ayant pas été conçus en tenant compte des dérèglements climatiques. Aux dires du président de l’UPA Portneuf, nos producteurs travaillent sans filet de sécurité. C’est une situation que les producteurs comme M. Leclerc n’ont jamais vu.
Les programmes d’assurance ont été faits pour assurer la stabilité du prix, mais pas une perte totale.
Connu pour son franc parler, M. Hébert apporte une critique sévère. « On a un ministre de l’agriculture qui depuis le début de l’année, dit que tout va bien. On a un faible impact sur le prix du pain lui-même. Le producteur est perdant, le consommateur est perdant, et on a un ministre qui s’en lave les mains, clame Christian Hébert. Quand un ministre défend d’autres points que la solidarité et la survie de nos agriculteurs, c’est très décevant, » opine-t-il.
Groupe de travail
Par ailleurs, le ministre André Lamontagne annonçait récemment la création d’un groupe de travail dans le but de dresser l’état de la situation des producteurs touchés par les conditions difficiles des derniers mois. Ce groupe composé de représentants du gouvernement et d’agriculteurs cherchera à maximiser les programmes existants afin de mieux répondre aux besoins.
Toutefois les producteurs demandent une aide immédiate et indépendante des programmes déjà en place. Selon eux, ces programmes n’ont pas été conçus pour pallier les risques grandissants des dérèglements climatiques.