Il y aura une chaise vide à la table du conseil municipal de Cap-Santé, lors des séances publiques, à compter du 16 janvier. Au terme d’une longue enquête en éthique et déontologie municipale, la Commission municipale du Québec (CMQ) a ordonné, le 10 janvier, la suspension de la conseillère municipale de Cap-Santé, Jeanne Noreau, et ce, pour une durée de 96 jours ouvrables consécutifs.
Dans la conclusion de son jugement très étoffé de 38 pages, la juge du tribunal administratif de la CMQ, Mélanie Robert, a ordonné le retrait temporaire de la vie politique pour une période équivalent à un peu plus de quatre mois, et ce, sans salaire.
La conseillère Noreau a donc été présente pour une dernière fois aux côtés des autres élus lors de la première séance régulière de l’année 2024, qui a eu lieu le 15 janvier. Elle pourra recommencer à siéger au conseil et à prendre part aux réunions de comités au sein desquels elle représente la Ville seulement au cours du printemps.
Quatre manquements
La décision de la juge Robert correspond aux sanctions qui lui ont été suggérées par l’avocat de la poursuite, Me Dave Tremblay, lors de la tenue de l’audience sur sanction, qui a eu lieu le 12 décembre. Le processus de dénonciation a quant à lui débuté le 16 juin. Trois jours d’audience ont eu lieu à la fin du mois d’octobre, amenant à la barre plusieurs élus de la Ville et des membres de son personnel administratif.
La CMQ estime que l’affaire Noreau se décline en quatre manquements en matière d’éthique et déontologie municipale, d’où l’imposante sanction qui lui est imposée.
Les faits allégués par la poursuite se sont produits entre l’été 2022 et le printemps 2023. Ils impliquent principalement Mme Noreau et la directrice générale de la Ville de Cap-Santé, Nancy Sirois. L’événement à l’origine de toute cette saga est une demande de la conseillère Noreau adressée au début du mois d’août 2022 à Mme Sirois pour consulter le procureur de la Ville pour dénoncer le fait que cette dernière n’a pas transmis une correspondance du conseil d’établissement de l’École du Bon-Pasteur exhortant les élus à prôner la relocalisation de la bibliothèque municipale dans les locaux de l’ancien funérarium situé au coeur de la place de l’Église.
Le climat se corse et la situation a dégénéré au cours des mois qui ont suivi. L’élue est par la suite tenue responsable d’avoir adopté une attitude et des propos intimidants et vexatoires à l’endroit de la direction générale auprès d’une employée de la Ville, contrevenant ainsi au Règlement édictant le code d’éthique et de déontologie des élus(es) municipaux.
Jusque-là gérée à l’interne, la crise continue à prendre de l’ampleur lorsque, lors de la séance publique d’avril 2023, Jeanne Noreau prend la parole devant l’auditoire pour divulguer publiquement des renseignements privilégiés concernant une plainte de harcèlement psychologique de même que l’identité de la plaignante, Nancy Sirois.
S’en suivent, quelques jours plus tard, la propagation et la diffusion, sur les médias sociaux, des renseignements privilégiés divulgués lors de la réunion mensuelle du conseil qui avait été enregistrée sur bande vidéo par CJSR. Le reportage présenté sur Facebook comprenait une partie du témoignage illicite de Mme Noreau.
Arrêt des procédures
Par ailleurs, le tribunal a ordonné l’arrêt des procédures en ce qui a trait au manquement faisant référence à la lecture intégrale devant public, à la fin de la séance d’avril 2023, d’un avis juridique la blanchissant de toute forme de harcèlement psychologique à l’issue de l’enquête interne déclenchée par la Ville.
« Même en considérant le feu vert qu’elle aurait obtenu de Me Marchand quant à la lecture de son avis en pleine séance publique, Mme Noreau a surtout décidé d’ignorer les rudiments en matière de renseignements privilégiés et de taire les nombreux rappels qui lui ont été faits relativement à la confidentialité du processus. Il s’agit d’une action préméditée, dont les conséquences sont sérieuses pour Mme Sirois et qui traduit une insouciance téméraire à la fois peu commune et peu compatible avec les fonctions d’une conseillère municipale, et encore moins d’une ancienne mairesse de la Municipalité », écrit la juge Robert.
La version intégrale du jugement est disponible dans le site Internet de la CMQ, sous l’onglet Enquêtes et poursuites.