Le mois de février, moment où nos chers boit-sans-soif occasionnels prennent une pause de la goutte. Un moment, qui, ma foi, pourrait se retrouver dans les livres contemporains d’histoire. C’est comme la Guerre de 7 ans qui se distille en l’abstinence des 28 jours. Quel honneur! Du moins cette année, le mois sans alcool prend une tournure assez dramatique pour ses amateurs: une journée de plus s’est discrètement ajoutée au calendrier. Quand le peuple sobre s’apprête à s’ouvrir une froide, aux abords de minuit moins cinq le 28 février, le 29 les surprend tous, tel la légère mais persistante coulisse de sueur qui se fraye un chemin le long de mon thorax après un oubli non intentionnel de déodorant. Une vraie hantise. De quoi passer à Canal D un mercredi de semaine en après-midi.
Mais bon, même s’il ne reste que deux jours à ce mois où l’ivresse est rangée dans le 4ème tiroir de la cuisine, mélangée avec le vieux marteau et la gommette bleue utilisée qu’une seule fois il y a de cela trois ans, je lève mon chapeau à tous ceux qui le font et qui continueront pour cette 29ème journée. Pour ma part, même si je le voulais, je ne pourrais jamais. JAMAIS! Mon verre (ou même ma bouteille, si nous sommes entièrement honnêtes) de vin le vendredi soir est primordial après une longue semaine de travail.
C’est donc pourquoi je me suis embarqué dans un défi qui s’avère être totalement différent pour le mois de février. Au lieu de m’abstenir de cosmopolitains et de cul sec, je me suis lancé l’initiative de ne pas utiliser d’anglicismes ou d’expressions anglaises lors de mes échanges en français. Pour plusieurs, ça peut paraître aussi simple qu’une multiplication, mais avec l’exponentiation de l’anglais par les réseaux sociaux, l’influence américaine et le fait que j’enseigne la langue de Shakespeare dans une école secondaire, c’était pour moi de l’algèbre.
Dans mon quotidien, je n’hésite pas à changer (pour ne pas dire switcher) de langue lorsque j’ai un blanc en pleine conversation. Ça se fait presque autant naturellement que lorsque je beurre ma rôtie matinale d’une couche excessive de beurre, qui pourrait probablement faire souffler le dernier soupir de nos confrères atteints de cholestérol. Toutefois, je devais faire un effort afin de valoriser et surtout prioriser ma langue maternelle. Après de nombreux silences, des ‘euh’ mi-rauques et d’innombrables recherches sur Google Traduction, j’ai réussi mon défi du mois. Je me donne la journée de demain off, je me le permets.
Durant les 4 dernières semaines, j’en suis venu à la conclusion qu’autant que j’aime apprendre les langues d’ailleurs, leurs richesses et leurs passés qui gravitent autour d’elles, que j’ai envie de chérir ma propre langue, de la protéger et d’allonger son espérance de vie. Ça m’aura pris beaucoup de temps et de maturité afin de le réaliser, mais je la trouve belle, ma langue, avec toutes ses complexités et ses variétés. Que ce mois se transforme en années et que ce nouveau défi devienne réalité pour tous.