Tel un vieux CD

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Par Nicolas Gaudreault
Tel un vieux CD

Je suis obsolète, mais complètement obsolète.

Tout remonte à la semaine dernière, lorsque j’ai décidé que j’allais épargner 100 $ ce printemps: j’allais moi-même changer mes pneus pour la nouvelle saison qui approche. Il faut savoir deux choses avant d’entamer cette lecture. Premièrement, je ne suis pas manuel pour une cenne. Je me décrirais comme étant une jolie poupée de porcelaine dont les seules fonctions sont de sourire, d’avoir le regard bien vide et d’être déposé sur la tablette d’un foyer en marbre trônant majestueusement au centre d’un salon spacieux. Donc, tout ce qui à trait à la sphère de l’automobile n’est nullement dans mon domaine. Deuxièmement, j’étais accompagné d’une jeune brebis fraîchement sortie de sa bergerie, qui n’avait jamais rien connu d’autre que ruminer, brouter la verdure et roupiller plusieurs fois par jour. Et oui, cette brebis était bel et bien ma mère.

Nous avons rapidement constaté que de mettre les deux pires cruches de la bagnole du coin ensemble deviendrait un désastre car quelques minutes après avoir terminé l’installation desdits pneus (installation qui aura duré pas moins de 3 heures), je perdais ma roue avant côté conducteur en plein milieu d’une route assez passante. On riait. Mais ce rire avait un arrière-goût de stupidité et de désuétude. C’est fou qu’avec toutes ces années sur les bancs d’école que je me sente déjà hors-d’usage malgré mon bon état. Par contre, attachez-vous bien, je suis en mesure de calculer la tangente d’un angle dans un triangle rectangle. C’est quelque chose quand même! Ah pis je connais aussi quelques dates assez aléatoires de mes cours d’histoire au secondaire comme l’Acte de Québec ou la fondation de Trois-Rivières. Pas super pertinent ni pratique dans mon quotidien.

Au final, par contre, si je me permets un petit role play avec moi-même et me réincarne en avocat arborant deux humbles cornes sur son front et une peau rougeâtre, je me dis que l’on ne veut pas que nous sachions tout puisque nous sommes ancrés dans une société où le capitalisme règne fortement. Que ferait le gouvernement sans ces sans-cervelles (genre moi)?  Que deviendraient nos mécaniciens, nos comptables, nos travailleurs de la construction si nous savions tout faire à leur place? C’est un peu un cercle vicieux sans fin. Autant j’aimerais être capable de me débrouiller partiellement dans certaines situations, je ne veux pas que des gens formés perdent leurs emplois au dépens d’un abruti de première classe (je me dénigre avec beaucoup de respect envers moi-même, n’ayez crainte).

Bref, pour un gars qui voulait économiser quelques bidous cette journée-là, j’en aurai payé le plein prix. Même si je ne peux blâmer personne d’autre que ma propre personne, on va quand même dire que le capitalisme a sa part de responsabilité! Mais bon, la morale de ce récit rocambolesque est que je vais laisser les professionnels gérer ce qu’ils ont à gérer et je me contenterai de mon rôle d’adorable bibelot jusqu’à ce que mon égo prenne le dessus à la prochaine saison de changement de pneus. Bonne semaine!

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