Nous sommes faits de ce qu’ils sont et ils sont faits de ce que nous sommes et, ensemble, nous formons le peuple : ce plâtrier qui se hâte de finir sans retard un dernier mur d’une chambre pour une maison attendue / cette ambulancière qui, dans son module de soins, tient la main d’un jeune accidenté en recueillant son dernier sourire / cet étudiant qui ferme la caisse d’un supermarché un vendredi soir, heureux et impatient d’aller retrouver ses amis /
cette coiffeuse ajoutant, par son art, sa part de beauté à celle d’une adolescente en vue de son bal de finissantes / ce médecin qui retarde l’annonce qui fera le malheur de toute une famille, permettant à celle-ci un répit de quelques heures de bonheur / cette enseignante qui, le dernier jour de classe, retient ses larmes en laissant aller ses 26 enfants vers demain, inquiète pour deux d’entre eux / cette jeune fille cherchant l’accord qui lui donnerait la mélodie recherchée sur sa guitare /
cet artiste-peintre qui, devant sa toile terminée, se dit qu’il aurait pu faire mieux / ce vieil homme, accomplissant son devoir de mémoire, couche sur papier, ses souvenirs pour la suite du monde / cette téléphoniste qui, pour faire vivre ses trois enfants, débite les mêmes paroles auxquelles elle ne croit pas à des inconnus au profit d’un charlatan d’un « cabinet » de voyance / cette agente de bord qui souhaite un bon séjour à des vacanciers sur une île du sud sans même pouvoir se tremper les pieds dans l’eau /
ce cultivateur qui, d’un sillon à l’autre de son labour, exerce le métier de philosophe en plaçant la vie avant l’esprit / cet immigrant, heureux et fier, qui rentre à la maison en brandissant son certificat de francisation, ce passeport qui lui permet d’entrer dans ce grand nous collectif / cet enfant qui, par mimétisme, apprend de ses parents, qu’on peut tromper son ennui en courbant la tête des heures durant sur ce petit objet de culte qu’on persiste à appeler un téléphone / ce lecteur qui m’invective de sa prose de façon chronique et à qui j’offre généreusement ce billet afin que sa colère intérieure puisse s’extirper de son âme malheureuse / cette lectrice qui trouve bien curieuse cette façon d’écrire un texte sans majuscules avec des phrases qui font du slalom entre des barres obliques / à tous ceux-là et à vous qui méritez de vous laisser parler d’amour, je souhaite une bonne et belle fête nationale du Québec, point d’exclamation !