On associe l’été aux vacances et donc à plus de temps libre. On peut utiliser ce temps pour ne rien faire mais savoir ne rien faire demande beaucoup de talent car ne rien faire peut être du temps perdu si on ne fait que laisser le temps nous filer entre les heures. Ne rien faire n’est une réussite que si cela prend la forme d’un projet : avoir le projet de ne rien faire. Alors tout devient possible car l’esprit vagabonde au fil des objets ou des paysages qui nous entourent. Ne rien faire devient ainsi du laisser faire car on se laisse envahir par les sensations ou les pensées. On en sort alors avec une valeur ajoutée.
On peut aussi décider de mettre à profit le temps libre et qui dit profit, dit investissement. Alors on s’investit. Paradoxalement pour s’investir, il faut se dépenser. Généralement on se dépense physiquement : on marche, on court, on joue, on escalade, on nage. Alors le corps y trouve son compte car on lui donne tout l’exercice nécessaire pour se refaire. Mais qu’en est-il de l’esprit ? Doit-on le laisser en jachère sous prétexte qu’on l’exploite beaucoup dans les temps de travail et qu’il mérite un peu de repos ? Le temps où l’esprit travaille n’est pas le même que le temps libre. Lorsque je lis un document au travail, pour le travail, je ne pose pas le même geste que lorsque je m’installe dans un temps libre pour lire un roman. Ces deux actions sont très différentes.
J’ai bien dit « action » car lire est un acte, un geste actif. Il faut cesser de croire qu’écrire est le volet actif du livre alors que lire serait le volet passif. Il n’en est rien. Lire est un acte de création de sens et d’images. L’autrice ou l’auteur nous offre le fruit de son travail mais nous le recevons en le recréant, On le fait d’une manière éminemment libre, personnelle et unique. J’entre dans un livre et j’en aborde le contenu avec le bagage que la vie a mis à ma disposition. Des millions de personnes ont lu Le Comte de Monte Christo avant moi mais aucune n’y a imaginé mes décors ou les visages que j’ai donnés aux personnages : le livre écrit par Alexandre Dumas et recréé par moi est unique au monde. Je le comprends et je lui donne un sens qui ne peut être exactement le même que celui que l’auteur lui a donné. Le livre de l’auteur appartient au lecteur qui se l’approprie et en fait une autre œuvre. On comprends que lire n’est pas un passe-temps mais une manière de vivre librement un temps que nous remplissons en toute liberté. Un temps vraiment libre.