L’enlèvement et l’aveuglement

par Robert Jasmin
L’enlèvement et l’aveuglement

Je viens de voir au cinéma, le film franco-italien L’enlèvement. Une histoire vraie. J’ai vérifié, chaque élément du film est rigoureusement exact. Il s’agit d’une page très sombre et cruelle du pontificat du pape Pie IX. Les faits se passent dans une Italie qui n’est pas encore unifiée et à une époque où le souverain pontife est considéré comme le roi-pape. Sans dévoiler toute l’histoire, voici le sujet : en 1858, les Mortara, une famille juive de Bologne, reçoivent la visite d’officiers envoyés par l’inquisiteur, l’ecclésiastique nommé par le pape et chargé de l’application du droit canonique.

Les parents apprennent de ces policiers pontificaux qu’Edgardo, un de leurs nombreux enfants, a été baptisé en secret peu après sa naissance, par une femme catholique qui avait soin des enfants à l’occasion. L’inquisiteur apprend la chose alors qu’Edgardo a presque sept ans. Les parents juifs du petit Edgardo sont informés du baptême secret par les policiers et que leur enfant doit obligatoirement être élevé et instruit dans la foi catholique. Ils tentent de s’opposer mais l’enfant leur est enlevé manu militari. Arraché aux parents, l’enfant est placé dans une institution pour enfants de convertis, sous l’autorité directe du pape, «pour sauver l’âme du petit».

L’opinion publique européenne et même américaine est alertée et la presse mondiale se déchaîne contre le pape, mais celui-ci, jaloux de son pouvoir de roi-pape, ne fléchit pas. Edgardo, conditionné par son éducation en milieu clérical, passera de l’enlèvement à l’aveuglement et au fil des ans, à la soumission totale. Cet aveuglement est le même qui empêche les parents juifs de se convertir pour reprendre leur enfant. Cette histoire vraie illustre à merveille l’emprise des croyances tant chez ceux qui exercent le pouvoir que sur ceux qui le subissent.

Dans l’univers du pape comme dans l’univers de la famille juive, on assiste à une démonstration éloquente du drame qui déchire des êtres humains lorsqu’ils sont aux prises avec la croyance que leur Dieu est le vrai Dieu. Ils font la preuve que deux absolus ne peuvent cohabiter et que, par définition, l’absolu est un mot qui ne se met pas au pluriel. L’histoire regorge de ces conflits d’origine religieuse et, en 2024, nous vivons encore les conséquences de ceux-ci. Voyez le Moyen-Orient.

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