Je suis en vacances mais avant de partir j’ai eu l’idée de vous laisser quelques citations tirées du livre « L’esprit artificiel » de Raphaël Enthoven ( L’Observatoire, 2024, 289 p. ) Bonne lecture.
— La philosophie ne fait pas de progrès. Ce qui ne veut pas dire qu’elle soit immobile ou qu’elle stagne. Comme le salaire minimum est indexé sur l’inflation, son développement dépend de celui de l’humanité, or l’humanité ne progresse pas non plus. Si l’humanité avait fait des progrès, il n’y aurait plus aujourd’hui de gens pour voir une punition divine dans l’expansion d’un virus, la haine et la pauvreté seraient éradiquées depuis longtemps, et le XXe siècle n’eût pas été celui des génocides.
— Ce n’est pas parce que la philosophie ne fait pas de progrès qu’on ne peut faire de progrès en philosophie. Au contraire. À quoi mesure-t-on un progrès en philosophie ? Au remplacement d’une certitude par un doute.
— La philosophie se donne comme un art non seulement d’avoir les pieds sur terre, mais aussi, et surtout, de creuser. À la question « Dieu existe-t-il ? », la philosophie répond par la question de savoir d’où vient le besoin de croire en Dieu. La difficulté n’est pas de répondre, mais de questionner la question qu’on vous pose.
— À quoi sert la philosophie ? À ne pas perdre sa vie à vouloir la gagner. À constater que les hommes se posent depuis toujours les mêmes questions, ce qui rend humble. À pressentir que les affaires humaines ne relèvent pas de la raison pure, ce qui rend prudent. À ne pas être l’ennemi de celui qu’on désapprouve, ce qui rend aimable. À comprendre que personne n’est plus conformiste que celui qui fait profession d’anticonformisme, et qu’il ne suffit pas d’être intelligent pour ne plus être bête, ce qui rend plutôt conservateur. À reconnaître qu’avoir des regrets, c’est être deux fois triste, ce qui rend heureux. À ne pas évaluer le monde à l’aune de nos besoins.
— Le professeur de philosophie est le gardien d’un musée vivant dont les portes sont toujours ouvertes, et dont les occupants ont le champ libre à toute heure, pour se rendre visite et partager leurs doutes. Voilà ce qu’une machine ne pourra jamais rattraper.