Chaque automne, des chasseurs et chasseuses déjouent de beaux chevreuils mâles dans Portneuf, ce qui attire l’attention du reste de la province. Mais pourquoi certains réussissent-ils, alors que d’autres échouent ?
UN RATIO DE MÂLES ÉQUILIBRÉ
J’ai guidé des chasses au chevreuil dans toutes les régions de la province où cette chasse est permise. Quand le Ministère a annoncé l’ouverture de la chasse au chevreuil dans Portneuf, je me suis dit : » BINGO, il va y en avoir des beaux ! » Lorsqu’une nouvelle zone s’ouvre, les chasseurs découvrent souvent des trésors cachés, et c’est ce qui est arrivé pour ceux qui ont pris la peine de s’aventurer hors des sentiers battus. La première année, les chasseurs habitués à l’orignal ont appris bien des choses en découvrant la chasse aux chevreuils. Ils ont vite compris que ce cervidé devient rapidement nocturne lorsqu’il réalise qu’on est à sa poursuite. Heureusement, comme la chasse dans cette région se fait à l’arc, à l’arbalète et au fusil, et sur une courte période, le cheptel est resté stable, et l’ouverture de la chasse n’a pas trop affecté la population et la qualité des chevreuils observés sur nos caméras. Cette pression de chasse contrôlée a également maintenu un équilibre dans le ratio mâle/femelle, ce qui est très différent d’autres régions de la province.
COMMENT LES DÉJOUER ?
De nombreux chasseurs de la région de Portneuf viennent me voir quand ils ont du mal à déjouer un grand mâle rusé. Certains bucks apparaissent année après année sur des caméras placées près des emplacements d’appâts comme des pommes, mais le buck fantôme s’en sort toujours indemne, laissant le chasseur incertain quant à son approche. Cela fait maintenant plusieurs années que je chasse et filme de beaux chevreuils dans Portneuf, et bien des gens ont vu le documentaire que j’ai réalisé avec mon ami William Alain sur une période de quatre ans. Comme Will a des limitations physiques, nous avons filmé beaucoup plus de mâles que nous en avons abattus, mais nous avons appris énormément sur eux. L’observation la plus significative que nous avons faite, avec plusieurs caméras réparties sur divers territoires, c’est que plus la forêt est dense, plus les bucks adoptent des comportements diurnes. À l’inverse, quand le biotope est ouvert, comme dans une érablière ou une clairière, les bucks adultes préfèrent sortir la nuit ou juste après notre départ au crépuscule. Un autre point essentiel est que si vous effrayez les femelles, la nervosité s’installera dans le » village » des cerfs. En bref, chassez dans les zones de transition forestière entre deux types d’habitats, avec un couvert plus dense, et vous verrez davantage de beaux bucks, de jour et à toute heure.
AUTRES OPTIONS !
Ces dernières années, j’ai ajouté certaines stratégies pour cibler les gros bucks plus rusés, et ça fonctionne. Je cherche notamment des grattages frais au sol, faits principalement par les mâles de deux ans et demi ou plus, souvent les plus gros. Je place ensuite des micro-appâts de la taille d’un anneau de gymnaste près des grattages. Mon secret : j’utilise du maïs aromatisé aux pommes, un appât très efficace dans Portneuf. Cependant, je vérifie toujours la direction du vent avant de chasser et je prépare deux postes d’affût. Avec un gros buck, chasser avec le vent dans le dos, c’est une insulte à son instinct, mais trop peu de chasseurs le réalisent.
LA RELÈVE ET LE FUTUR !
La région de Portneuf reste un terrain stimulant pour la chasse au chevreuil, avec de nombreux spécimens trophées et un intérêt croissant. Toutefois, elle est sujette à des pertes de cheptel imprévisibles, notamment à cause des hivers neigeux et de la présence de loups, coyotes et hybrides des deux espèces. Je sais que le plan de gestion du chevreuil sera bientôt révisé, et je crains que des approches trop permissives, comme un allongement excessif de la saison de chasse, ne viennent nuire à la région. Il faudrait également éviter d’autoriser la chasse à l’arme à feu, sauf pour les jeunes débutants. Dans d’autres régions, une ouverture trop large a rapidement dégradé la qualité de la ressource. Je l’aurai écrit…
Une initiative bienvenue, selon moi, serait d’accorder davantage de temps aux jeunes. Actuellement, ils n’ont qu’un week-end, soit deux jours, pour chasser le chevreuil. Si le temps est mauvais ou qu’un jeune a des obligations, comme le hockey, son expérience est compromise. Une vraie relève devrait avoir deux week-ends. Car la relève, ça compte beaucoup, et on ne fait peut-être pas encore assez pour eux.
(1) Voir le documentaire Will au-delà de la chasse sur Unis.TV
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