Le mercure frôlait les -30º et un vent de tempête secouait les rares tentes plantées sur le fjord gelé en face de Sainte-Rose-du-Nord, dans la soirée du 7 février. Mais Germain Desgroseilliers et Samuel Gendron avaient complètement oublié le froid glacial; ils étaient bien trop occupés à remonter la prise «incroyable» qui s’agitait au bout de leur ligne. Une semaine après l’événement, l’excitation s’entend toujours dans la voix de Samuel Gendron, qui a raconté son histoire au Courrier le 13 février. M. Gendron, de Pont-Rouge, et son ami Germain Desgroseilliers, de Trois-Rivières, avaient décidé d’essayer la pêche sur la glace dans le fjord du Saguenay. «C’était une nouvelle aventure. On s’était équipés pour le sébaste et la morue avec des cannes de 35 pouces et des lignes de 100 livres/test, raconte-t-il. On ne sait jamais ce qu’il y a dans le fjord.» À cet endroit, sous les deux pieds de glace, le Saguenay plonge à 700 pieds. Les grosses prises ne sont pas rares et le requin est un visiteur connu. Pour mettre toutes les chances de leur côté, ils ont appâté avec un leurre en forme de grosse crevette luminescente fabriqué par Streamnag, à Jonquière. La soirée s’annonçait calme. Assis chacun devant un trou de huit pouces de diamètre, ils relâchaient puis ramenaient leur ligne. «C’est tellement profond que juste remonter un leurre, ça prend cinq minutes», raconte M. Gendron. Ils n’avaient rien pris et commençaient à se faire à l’idée qu’ils reviendraient bredouilles de leur première sortie sur le Saguenay quand M. Desgroseilliers a senti une touche. «Il ne se passait rien, puis ça a donné un coup sur la ligne de Germain, raconte Samuel Gendron. Il a tiré fort et la ligne a plié comme un roseau. Il m’a regardé et a dit: “Sam, on est ici pour un bout!”» Le Trifluvien ne croyait pas si bien dire. Les deux hommes se sont relayés au moulinet durant deux heures. Très vite, ils se sont rendu compte que leur prise était costaude. «Ça ne passerait pas dans le trou, dit Samuel Gendron. On a callé un gars dans la tente voisine et il l’a agrandi.» Lorsque la bouche du poisson est apparue, les pêcheurs ont constaté que le trou était encore trop petit. Le même voisin est revenu et l’a élargi, à deux pieds cette fois. Les copains pêcheurs ont finalement réussi à hisser leur prise pour se rendre compte que c’était un flétan de l’Atlantique d’une centaine de livres, selon leur estimation. Le flétan est prisé pour sa chair et sa capture est réservée aux pêcheurs commerciaux. Les heureux pêcheurs ont donc remis à l’eau ce monstre du fjord, mais pas avant d’avoir tiré un portrait de leur trophée. «C’est un coup de chance incroyable!» lance Samuel Gendron qui tient à dire que le poisson a été remis à l’eau «dans les règles de l’art». Grand amateur de pêche, il pratique son activité favorite entre autres en Gaspésie et sur la Côte-Nord. Si le bar rayé est le poisson qu’il préfère pêcher, nul doute que le flétan de l’Atlantique s’est taillé une place spéciale dans son coeur.