La loi qui nous a sauvés

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Par Denise Paquin

Je viens d’une enfance montréalaise au cours de laquelle les mères francophones se faisaient répondre un «speak white !» bien clair devant leurs enfants par des commis de grands magasins. Je viens d’un quartier où mes voisins, des réfugiés lituaniens, envoyaient naturellement leur fils à une école anglaise. Comme le faisaient la grande majorité des immigrants italiens, portugais, polonais et autres gens venus chez nous pour tenter un avenir meilleur. La majorité colonisée que nous formions, était généreuse et bonasse comme l’étaient toutes les majorités colonisées.

Mais germèrent dans certains esprits, des idées de justice et un idéal démocratique. Petit à petit, la majorité commença à se respecter elle-même. Les gens d’ici demandèrent aux gens venus d’ailleurs de se joindre à eux en faisant l’effort d’apprendre à vivre dans leur langue. Cette demande fut noyée dans le silence assommant de l’indifférence la plus totale. La majorité haussa le ton par des manifestations de plus en plus nombreuses. Rien n’y fit. Elle décida alors de poursuivre la lutte sur le terrain politique en élisant des hommes et des femmes pour qui les mots dignité et courage étaient des mots d’usage courant.

Ainsi naquit le 26 août 1977, la loi qui allait sauver le Québec d’une louisianisation certaine : la Charte de la langue française. À partir de ce jour, il y a quarante ans, les immigrants furent tenus d’envoyer leurs enfants à l’école française. Au rythme des entrées annuelles d’immigrants, il est facile d’imaginer ce qu’il resterait de nous s’il n’y avait pas eu ce garrot législatif pour arrêter l’hémorragie. Mais disons-le de manière positive: les enfants de la loi 101 nous ont enrichis collectivement, en brillant dans tous les domaines dans notre langue et par elle, en mêlant leur culture à la nôtre. Que des gagnants !

Qu’on le veuille ou non, le Québec a été, est et sera une terre d’immigration. Mais le défi de l’intégration est plus grand pour nous que pour tout le reste de l’Amérique car nous devons protéger une langue en plus d’une culture. Certains enfants de la loi 101 sont maintenant d’ardents défenseurs de notre langue, plus que plusieurs Québécois de souche qui se fichent complètement de cet élément essentiel de notre identité et qui prennent plaisir à donner des prénoms anglais à leurs enfants. Les nouveaux arrivants et les petits-enfants de la loi 101 auront-ils le goût de s’identifier à des colonisés d’esprit ?

La semaine prochaine : Une loi « raciste »?

 

 

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