Notre langue nous advient avec la vie. On la dit maternelle car c’est le plus souvent par le son de la voix de la mère que l’enfant apprend qu’il existe des mots. Petit à petit l’enfant réalise que s’il s’exprime en mots, il peut mieux se faire comprendre que par des gestes, des pleurs ou des cris. Avec le temps, il arrive à dire ses maux avec des mots. Il découvre que la langue est utile. L’enfant grandit et reproduit les mots utiles qu’il a entendus pour agir plus efficacement. Puis, l’école entre dans sa vie. Il y passe souvent plus de temps en compagnie d’un professeur ou d’une enseignante qu’avec ses parents à la maison. Grâce à la lecture, sa langue devient plus riche : elle se développe au-delà de l’utilité. Son champ d’action est alors sans limites. Elle peut même quitter le monde réel et gagner le territoire de l’imaginaire. Mais pour que la langue s’épanouisse, certaines conditions sont nécessaires et c’est à l’école en général qu’elles peuvent être réunies. La langue doit être aimable au sens premier de ce mot : on doit pouvoir l’aimer facilement et de façon agréable. J’ai connu, jadis, un prof qui avait eu l’idée de faire ses cours de français avec des chansons de Brel. Tant pour l’analyse des textes que pour la structure grammaticale et le contenu poétique, le plaisir était au rendez-vous. Qui aujourd’hui pourrait ne pas craquer aux mots de Desjardins dans sa chanson Jenny, une des plus belles chansons d’amour jamais écrite ? Les belles mélodies sont utiles pour apprécier la langue qui les porte. La voie royale demeure toutefois la lecture. La langue qu’on entend ne vaut pas celle qu’on voit. Les mots et leur musicalité qui apparaissent dans l’écrit se gravent dans le disque dur du cerveau et ils en ressortent au besoin et à volonté. On peut de plus s’y attarder, les voir défiler lentement si on désire faire durer le plaisir. Voila le mot clé : le plaisir. Si une enseignante réussit à faire en sorte qu’un élève prend plaisir à lire, elle peut dire : mission accomplie ! L’école, à tous les niveaux, est l’incubateur par excellence de notre langue, celle qui dit ce que nous sommes, d’où nous venons et ce que nous devenons. C’est cette langue qui fait de nos écrivains et de nos poètes, les facteurs d’âme dont toute société a besoin pour survivre.