Tous devraient voir ou revoir le bouleversant documentaire Bye sur la mort du fils d’Alexandre Taillefer présenté la semaine dernière à la télé de Radio-Canada. Thomas s’est enlevé la vie à 14 ans. Il souffrait de cyberdépendance. Je ne veux pas ici relater tout le contenu du documentaire qui montre la descente aux enfers de ce jeune garçon. J’aimerais élargir le débat au-delà de l’univers des jeux vidéo et aborder la question de la dépendance à tous ces nouveaux objets électroniques que nous croyons posséder alors que ce sont eux qui nous possèdent. Il faut d’abord démasquer la grande illusion : que ce soit par texto ou en dialoguant avec un autre fou des jeux, nous ne communiquons pas vraiment, nous sommes toujours affreusement seuls. La véritable communication avec autrui se fait dans une vraie rencontre, en parlant les yeux dans les yeux. Il n’y a d’échange valable que si je vois toute la portée de mes propos sur l’autre et cette réaction se voit même dans son visage, dans ses silences. Et, surtout, la présence physique de l’autre m’empêche peut-être de dire l’irréparable, ce contre quoi mon clavier ne me protège pas. Passons aux jeux proprement dits. Un jour, un ami m’a fait part de la solution qu’il a négociée avec son ado : au lieu d’une interdiction pure et dure, ils ont convenu que tout temps consacré aux jeux devait avoir son équivalent en lecture. Après une certaine période de ce sevrage partiel, le temps de lecture a dépassé le temps des jeux. Le signifiant avait gagné sur l’insignifiant. Le drogué des jeux que le jeune allait devenir a fait place à l’accro de la lecture. Cette nouvelle drogue a ceci de particulier : tous les effets secondaires sont positifs. On ne le dira jamais assez : les voyages dans l’univers du virtuel ont créé des sédentaires par millions. Prisonniers des écrans, nous risquons d’en devenir un appendice. En droit, on parle des immeubles par destination : notre nature de personnes mobiles se fond dans la nature immobilière de nos objets. Le mot d’ordre est pourtant simple : il faut sortir et marcher. Pour se sentir vivant. Il y a quelques années, le titre d’un film nous suggérait ceci : Mange, prie et aime ! Sauf qu’il s’agissait de manger en Italie, prier en Inde et aimer à Bali ! Ma suggestion est plus simple et accessible : Parle, lis et marche !