Davos est, cette année, ensevelie sous une quantité anormale de neige. Mais rien n’a arrêté le va-et-vient des hélicoptères qui y déposent ceux qu’on appelle les grands de ce monde (leur grandeur se mesurant à la somme de leurs milliards et pas nécessairement à leur grandeur morale). Davos est cette petite ville des Alpes suisses qui sert de lieu de rendez-vous annuel des dirigeants économiques depuis 1971. C’est aussi à cet endroit que les dirigeants politiques tentent de se faire voir des vrais décideurs. Contestés pendant des années par des milliers de citoyens en colère venus de partout et les forçant à tenir leur rencontre barricadés, ces ploutocrates (comme les appelle la ministre canadienne des Affaires étrangères) ont consenti à inviter certaines personnalités généreuses, histoire de redorer leur blason social. Mais, au fil des ans, au-delà de certains sermons de façade sur les inégalités, rien n’a véritablement changé et les politiciens font encore des ronds de jambe obséquieux aux grands patrons pour attirer leur attention. Pensez-vous que les élus vont rappeler à l’ordre ces quelques milliardaires qui mettent tout en oeuvre pour ne pas payer d’impôts ? Pensez-vous que les Justin Trudeau de ce monde sont là pour annoncer aux fraudeurs que le temps de la récréation est terminé et qu’ils séviront contre toute entreprise qui cache ses profits dans les paradis fiscaux ? Pensez-vous que les élus sont là pour annoncer des politiques radicales en matière d’environnement ? Ben voyons ! Ils sont là pour se féliciter de la hausse des PIB (mesure factice de plus en plus décriée même par les économistes) et des records atteints par les Bourses ! Ils sont là, en somme, pour se conter des histoires ! La réalité n’est pas à Davos, petite ville perdue dans les nuages. La réalité est décrite dans le dernier rapport d’Oxfam (à lire au complet sur Internet). La réalité c’est que l’évasion fiscale des riches coûte 100 milliards de dollars par an aux pays pauvres. La réalité c’est qu’avec cette somme, les 124 millions d’enfants non scolarisés dans le monde pourraient recevoir une éducation, et des interventions médicales pourraient éviter la mort d’au moins 6 millions d’enfants chaque année. La réalité c’est que huit hommes possèdent autant de richesse que la moitié de l’humanité, soit 3,6 milliards de personnes. Mais dans les hauteurs de Davos,on a perdu contact avec la réalité et on y chante en choeur que tout va très bien madame la Marquise.