Capsules estivales Il faudrait se voir plus souvent !

par Robert Jasmin
Capsules estivales    Il faudrait se voir plus souvent !

Le hasard. Le pur hasard. On n’avait pas vu cette amie depuis des années et voilà que lors d’une balade en ville, on la croise sur la rue. On s’embrasse et on passe vite aux formules d’usage en enfilant les « Comment vas-tu ? », les « Et la famille ? » sans oublier, bien sûr, l’incontournable « Et la santé ? ».

Mais comme c’est une amie véritable, on ne s’arrête pas là. On parle de la dernière fois qu’on s’est vu. On mesure le temps. On se dit qu’il passe trop vite. On ne réfléchit pas trop au fait que le temps coule à la même vitesse depuis toujours et on se dit qu’on n’est pas là pour philosopher sur le fait que le temps passe, car c’est son unique passe-temps au temps que de passer, il ne sait faire que cela.

La rencontre est trop rare et trop courte pour qu’on prenne ces précieuses minutes à réfléchir et à se dire que si, une heure plus tôt, le commis de la quincaillerie avait été plus rapide, on n’aurait pas croisé cette amie et encore moins si on avait fait cet arrêt à la quincaillerie la veille comme on se l’était promis. Ces moments de retrouvailles ne sont pas faits pour penser et philosopher : ce n’est pas le moment de se dire que les décisions ou les choix les plus banals tels que « est-ce que ja passe à la quincaillerie aujourd’hui ou demain ? » peuvent changer le cours d’une vie. Toutes ces pensées nous viendront à l’esprit peu après la rencontre, dans un bouchon de circulation.

Pour le moment, on en profite pour se donner des nouvelles: la disparition à 80 ans, dans la fleur de l’âge, d’un ami commun; on enchaîne sur le dernier film de Choé Robichaud et après qu’un ange soit passé, on se dit que nous aurions tellement de choses à nous dire, une façon aimable de se dire qu’il faut poursuivre notre chemin. Alors, comment se quitter sans au moins une promesse ? C’est le moment d’avoir recours à la formule consacrée : « Il faut se voir plus souvent ! » et l’amie de répondre : « Absolument ! »

Puis, on se laisse, la mine à la fois réjouie et triste. Avec la pensée non avouable qu’il n’y aura peut-être pas de prochaine fois. Que la vie s’amuse à remplir notre temps d’obligations et de devoirs et qu’hélas !, nous n’avons que cette vie à vivre. Comme un brouillon qu’on ne pourra jamais mettre au propre.

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